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Karl Lakolak artworks

Karl Lakolak is a french visual artist ; known for his performances and Bodyart photos and videos, Bodypainting, drawings and paintings, and poetical Writing! Subject and research: queer and homoerotic interests.

Printing – © Karl Lakolak 2012.

Préface

d’« érographies d’incorporelles » de Karl Lakolak :

par Bernard Lafargue

Dépeindre les mille plateaux d’un corps

Les Érographies d’incorporelles de Karl Lakolak dépeignent les mille plateaux d’un corps. « Dépeindre » semble ici plus idoine, car le « de» évoque le travail de décoller, défigurer, défaire qui précède celui de peindre.

Les modèles, qui viennent dans l’atelier/chambre, que le peintre bordelais hérite de son grand prédécesseur Molinier, ont beau se mettre à poils (Naked), ils demeurent (des) nus (Nude). Les habits en effet engendrent des habitudes qui déterminent des ports, des postures, des positions, des allures, des manières d’être ; une gestuelle. Ils collent si bien à la peau qu’ils moulent et modèlent les organes, font le moi(ne) dans ses nervures les plus intimes. Autant de cultures, autant de coutumes et de costumes, qui favorisent des « techniques du corps », qui elles-mêmes favorisent des corporations et des corporatismes. Dans une formule sibylline du Phédon, Platon formule on ne peut mieux les enjeux du problème : « soma estin sema psukhés », qu’on peut traduire : le corps est le signe et le tombeau de l’âme, attendu que l’âme est, elle-même, le signe et le tombeau de la cité –polis-.

En se mettant (à) nu sous le regard de son peintre, le modèle montre qu’il est peint aux couleurs de sa cité ; tel un drapeau im/poli. Si le corps poli en effet est le miroir, où le panoptikon de la « polis » s’inscrit, se mire et se fonde, il est aussi un lieu de résistance et de conflits ; son maquis et son tombeau. Donner son corps à peindre à LA/CO/LLAK, dont je scande et déforme un peu les syllabes avec Cratyle pour mieux faire entendre son projet, c’est le donner à dépeindre ; un dépeindre qui est aussi un « repeindre à deux », un rite initiatique, chamanique de « pas/sage », propre à faire ressurgir et revivre des traditions immémoriales de corps peint/feint.

Dans ce corps à corps, qui relie d’une manière troublante le peintre et « son » modèle, les scènes primitives de la peinture défilent sous le regard complice de Dionysos : Véronique imprimant le visage de Jésus, la fille de Butadés croquant son amant en partance, Campaspe délaissant Alexandre pour Apelle, Picasso bandant comme un minotaure, mêlées aux entrelacs si charmants des femmes Caduveo, des Maoris, des Omos, des amants de Pillow Book, etc… Au rythme des giclées de peinture, la musique monte dans l’atelier/chambre du cosmesthéticien ; et la maïeutique opère. Les langues se délient et se mêlent en pidgins. Les corps se mettent à danser, risquent des chorégraphies qui défont le visage à mesure qu’elles font saillir les mille plateaux d’un corps. Pénétrés par la vibration des couleurs, les organes se lancent dans des devenirs étranges. Ils (se) déterritorialisent et reterritorialisent, changent de rythme, de vitesse et d’intensité. Ils rhizoment et s’extériorisent comme dans les transes chamaniques ou les films de science-fiction. L’artiste et e(s)t son modèle. À eux deux, ils « sismographient » des forces qui décollent et recollent, défont et refont, dénouent et renouent des liesses dionysiaques.

Quand le corps peint/feint du modèle atteint son état de grâce, Karl le photographie. Plus tard, dans la chambre noire, il hybridera ces images de numérique, pour retoucher leurs forces virtuelles et les lancer dans d’autres devenirs, d’autres métissages. Ces forces virtuelles sont, on l’aura compris, « incorporelles » d’être, comme les fameux « incorporels » des philosophes stoïciens, « surcorporelles ». Les corps « expeausés » de Lakolak sont des Erographies d’incorporelles, qui captent ce moment magique où un corps, mis à l’épreuve de ses devenirs, trouve et mon(s)tre sa beauté.

Une beauté singulière et plurielle, interlope et photogénique, qui suscite des variations infinies